Mardi, ou plutôt mardi soir, est survenu un des épisodes les plus drôles depuis que je me suis installé ici. Quand je dis installé, c’est un bien grand mot, habitant dans un niveau de confort que même les pires campings qui puissent exister, égalent facilement. Toujours pas d’eau chaude, et il n’y en aura vraisemblablement pas, toujours pas de lumière dans ma chambre, et toujours pas de moyens pour cuisiner, mais on fait avec ! Le plus dur reste de loin la douche, l’eau, en plus d’être froide, étant devenue chlorée, donc acide ! L’alternative hammam est de plus en pus envisageable, même à 20 dirham la douche !
Le reste, c’est comme d’habitude, ou plutôt ça n’a pas changé : les interrupteurs sortent toujours des murs, de même de les cafards d’ailleurs, que j’écrase en leur lançant des bouteilles de coca vide ( et j’en ai une sacrée réserve ! ). Dimanche soir, pour couronner le tout, la propriétaire est venue taper (« taper », parce que bien sur, il n’y a pas de sonnette ici ! ), pour nous annoncer un danger imminent : l’ancien locataire ayant résilier son contrat ONE ( l’EDF marocain ), il se pourrait que d’ici quelque temps, la seule ampoule s’éteigne.. Super ! Ca m’embêterais juste pour mon PC que je devrais recharger au bureau !
En parlant de l’ancien locataire, c’est justement avec lui qu’est arrivé cet épisode marrant de la soirée. A 22 heures ( une heure normale ici ), on frappe à la porte. Comme depuis quelque temps, le quartier de Lyautey s’est Far Westisé ( coups de couteaux et présence policière renforcée…), on prend la précaution de demander qui c’est, si ce n’est pas l’un d’entre nous. J’entends ( sans comprendre ce qu’elle dit ), la proprio. On laisse donc entrer la petite vieille toute courbée ( très chiante, mais très gentille ), qui entre avec deux gars qui ont l’air tout gênés d’être là : ils viennent récupérer l’étagère de l’une des chambre, qui était restée là depuis qu’on a « emménagé ». L’appartement n’étais déjà pas meublé, mais si en plus il faut qu’on lui enlève son seul et unique meuble, ça risque d’être sympa ! Anass y avait d’ailleurs entreposé tous ses vêtements, et tout un tas d’autre choses qui aurait trainé par terre sinon. C’est donc la panique : en 30 secondes, il faut tout vider, en dégager l’accès, pour que les deux gars ( aussi imposants physiquement que moi ) la fasse descendre les 4 étages.
Même si c’est pas une heure, et même si ils auraient pu enlever leur bordel avant, je ne me vois pas rester assis à les regarder déménager cet énorme bordel ( qui tient debout aussi bien qu’un meuble IKEA qui aurait fait 3 fois le tour du Monde à dos de dromadaire ). Je me lève ( on regardait le film du soir de 2M, un truc passionnant avec Ben Styler ! ), et leur propose mon aide. Anass, beaucoup moins conciliant, me demande de me rassoir. « On va le faire avec mon ami, ne vous inquiétez pas ». Je me rassois donc, et admire le spectacle. L’armoire est en 3 parties, deux étagères de chaque coté, et un petit buffet au milieu. Ils empoignent la première étagère, dont toutes les planches ses cassent la figure sur leurs pieds ( ils ont enlevé leurs chaussures avant de rentrer, l’appartement n’a pourtant rien d’une mosquée..). Très dignes, ils ne bronchent pas, et tentent de les ramasser… en lâchant les deux portants dont les vis commencent à lâcher. Le tout sous le regard désolé et effaré de la vieille qui tente de leur donner des consignes.
On découvre alors que derrière se trouve un cimetière de poussière, de cafards et de verre cassé. La vielle me regarde en me hurlant dessus, ça doit vouloir dire « Mais t’es fou, mets quelque chose à tes pieds mon garçon, tu vas te foutre du verre partout », ou quelque chose comme ça… Je mets donc quelque chose à mes pieds, et à l’aide d’un balais et d’un paquet de céréales, j’improvise un ramasse poussière. Elle a l’air impressionnée, je marque des points ! ( Il faut, pour récupérer les deux mois de cautions à la fin du mois ! ). Puis le balai recommence pour la deuxième étagère. Le plus marrant c’est pour le buffet : comme il est plus large que les escaliers, il faut le démonter, lui aussi. Seul problème : alors que les meubles Ikea sont conçus pour le montage, et pas pour le démontage, le meuble lui ne parait même pas avoir été conçu pour le montage ! Il n’y a pas de vis, que des petits rivets en bois qui se retrouvent bientôt tous par terre. C’est méchant, mais je ne peux pas m’empêcher d’éclater de rire. Pareil pour Anass qui va se cacher dans la salle de bain. Même dans la panique, les deux gars sont très dignes, très sérieux, et n’arrêtent pas de s’excuser pour le dérangement. On commence vraiment à se demander ce qu’ils vont bien pouvoir faire de se meuble… Je les aide à remettre les 15 parties du buffet ensemble avant l’escalier. Il faut savoir que j’ai mis 15 minutes à monter ma valise dans les escaliers. Je vous laisse imaginer le temps qu’il faut pour y descendre un meuble en état de décomposition avancée.
Les cris cessent au bout de 20 minutes, ce qui signifie soit que le meuble est arrivé en bas, soit que l’escalier est désormais bouché par des bouts de bois, et deux cadavres…